Le Salon international du livre insulaire à Ouessant

28/06/2022

Le Salon en quelques mots

Du 13 au 16 juillet prochain se tiendra le Salon international du livre insulaire sur l'île bretonne d'Ouessant. Comme chaque année depuis 1999, c'est l'association ouessantine CALI (Culture, Arts et Lettres des Iles) qui organise cet évènement gratuit et ouvert à tous destiné à promouvoir la culture insulaire, et tout particulièrement la littérature insulaire : de l'Irlande à la Réunion, en passant par la Corse, la Nouvelle-Calédonie et Madagascar, les îles et leur patrimoine culturel sont mises à l'honneur. Cette année, ce sont l'Irlande et ses écrivains descendants de James Joyce ainsi que l'île de Pâques, découverte il y a 300 ans par des navigateurs néerlandais, qui sont mises à l'honneur. Le Salon abordera également le thème du patrimoine culturel immatériel des îles de Bretagne, à l'origine d'un grand chantier organisé avec l'association Bretagne Culture Diversité.

Au programme de ces quelques jours : échanges avec des écrivains irlandais et en résidence sur l'île (dont les écrivains irlandais Neil Hegarty et Tadhg Mac Dhonnagain, président du salon), lectures musicales, conférences, tables rondes et ateliers. Le Salon sera également l'occasion de remettre le prix du livre insulaire qui récompense soit des écrivains nés ou vivant sur une île, soit des livres qui traitent d'une île, qu'elle soit réelle ou imaginaire. Ce prix, reconnu par-delà les frontières et sur tous les océans, a permis au fil des ans de faire naître de véritables talents. Seront également récompensés les lauréats du concours de correspondances insulaires dont le thème cette année est "d'Ithaque à Ouessant".

Enfin, des soirées festives en lien avec les cultures bretonne et irlandaise seront organisées : des dîners pour déguster le célèbre ragoût cuit dans les mottes d'Ouessant, un fest-noz et un ceili-noz (l'équivalent irlandais) pour découvrir ou redécouvrir les danses celtiques ainsi que deux concerts de musique irlandaise pour se laisser bercer par le Uilleann Pipe ou le Tin Whistle.

Un salon à ne pas manquer, dont on ressort empli de la pénétrante mélodie des mots, des instruments et de l'océan.

Ronan Pellen et Sylvain Barou

Entretien avec Isabelle Le Bal, présidente de l'association CALI

Comment est née l'association CALI ? Comment décririez-vous votre "mission" en quelques mots ?

Mon père étant ouessantin, Ouessant est mon île de cœur. La littérature est ma seconde peau, j'ai donc créé en 1999 cette aventure culturelle associant la littérature et les îles. Culture, Arts et Lettres des îles (CALI) est le nom que nous nous sommes choisi pour la promotion de la culture insulaire, de tous les océans. Notre objectif est de défendre le monde du livre et de la lecture, les écrivains des îles, quelle que soit leur langue. Nous ouvrons des portes sur le cinéma, la peinture, la musique et le théâtre qui sont ancrés dans des textes insulaires.

Qu'est-ce qui caractérise le Salon du livre insulaire, que vous organisez chaque année depuis maintenant plus de 20 ans ? Comment a-t-il évolué ?

Le salon a toujours été dès le départ animé par un double regard : les auteurs nés ou vivant dans une île ou les ouvrages traitant d'insularité. Nous sommes les seuls à promouvoir cette catégorie éditoriale que nous avons créée.

Il y a 24 ans, le monde du livre et celui des îles étaient très différents. Tout d'abord, les îles avaient une population enracinée avec une culture maritime commune liée à une façon de vivre la mer et l'isolement. De Ouessant aux Marquises, une fraternité insulaire était immédiate. Aujourd'hui les îles sont beaucoup plus accessibles, d'un coup d'avion à l'autre bout de l'hémisphère, alors leur mystère est moins mystérieux, à part peut-être Tristan da Cunha ou "l'île mystérieuse"...

Le monde du livre et de l'édition, après la révolution numérique et les confinements, a connu des modifications profondes comme le monde culturel en général. Il s'agit de se battre tous les jours pour le défendre, faire connaitre des nouveaux auteurs, des nouveaux livres, dans un monde... très phagocyté par l'image. Notre challenge toute l'année est d'éloigner cette mauvaise brume qui cache les mots, les livres et les écrivains pour partager la joie du livre.

Affiche

Comment imaginez-vous cette 24ème édition du Salon ?

Comme une fête grand format après deux ans de petite jauge. Nous avons choisi de rendre hommage à la culture irlandaise car nous fêterons les 100 ans de la publication en France du roman "Ulysse" de James Joyce, un chef d'œuvre de la littérature mondiale, qui vient d'une île, l’Irlande. Le salon est ouvert et gratuit avec des dizaines de rendez-vous tous formats pour rencontrer les écrivains. Dès l'arrivée au bourg de Lampaul, une compagnie de théâtre vous présentera en musique des grands textes irlandais et quand vous vous promènerez à chaque pointe de l'île, un jardin vous accueillera pour une lecture surprise.

Que viennent chercher les écrivains qui élisent résidence le temps de quelques semaines au sémaphore du phare du Creac'h ? Est-ce l'isolement ? Ou l'inspiration que seule l'atmosphère mystique de l'île peut apporter ?

L'île c'est le retirement, l'éloignement de l'agitation du continent. Nous avons créé au sémaphore du Creac'h en 2009 un espace pour venir travailler, écrire un livre. Venir écrire dans un sémaphore qui se trouve sur une île est un double retirement. L'écriture nécessite de la concentration, parfois des ratures et plusieurs essais sont nécessaires avant que le texte ne soit publié. Cette résidence permet aux écrivains professionnels de venir créer, tout en étant accompagné par les bénévoles de l'association. C'est la seule résidence littéraire en Finistère, et une des seules qui reçoit des écrivains qui viennent d'une île ou vont écrire sur les îles, toutes les îles : les réelles et les imaginaires. L'île est le lieu de la résidence, une inspiration et aussi le sujet du livre, la boucle est bouclée. Pour l'instant, personne ne nous a copié...

Sémaphore

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le grand chantier "patrimoine culturel immatériel des îles de Bretagne" que vous lancez avec l'association Bretagne Culture Diversité ?

On est très heureux de ce partenariat qui a pour objectif d'amener les habitants des îles bretonnes à retrouver leurs traditions, leurs histoires, tout ce qui reste caché quand on parcourt les îles en une journée. L'enjeu est ensuite après le collectage de les mettre en valeur pour les transmettre aux générations futures... et d'empêcher que l'on transforme nos îles en des "villages d'Astérix vintage et décalés." Les savoir-faire de nos anciens doivent passer ce cap d'un modernisme à marche-forcé car ils portaient souvent plus de respect de la nature et de la culture que certains projets imposés aujourd'hui aux insulaires. Et puisque l'Irlande est à l'honneur, il ne faut jamais oublier que les îles Blasket ont été dévitalisées de leurs habitants au risque de faire perdre la beauté d'une culture gaélique dont seuls les livres portent encore aujourd'hui témoignage...

Parlez-nous de la revue littéraire "l'Archipel des lettres". De quoi traite-t-elle ?

Nous publions notre 24ème numéro cet été. Nous avons des rubriques d'histoire, de géographie et aussi des textes originaux de nos écrivains venus à Ouessant. Elle est le témoin de nos choix littéraires : Ulysse, l'île-prison, les îles mystérieuses, les utopies, avec des chroniques de spécialistes, on les appelle des "Nissologues" (sciences des îles). Nous publions aussi des critiques littéraires sur les nouvelles parutions de littérature insulaire. C'est une trace de nos évènements et un guide pour devenir soi-même un nissologue amateur !

Revue

Vous avez ouvert la Maison des livres et des îles en 2011. Que peut-on y trouver ?

C'est une bibliothèque associative de plus de 5592 livres uniquement sur les îles. Les adhérents peuvent emprunter des livres, et on y organise toute l'année des rendez-vous avec des écrivains.

Quels sont les projets futurs de l'association ? Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

Nous avons grande envie de préparer notre 25ème édition en 2023, et de continuer toute l'année ce travail en profondeur sur la culture des îles du monde. La Bretagne est une terre culturelle ouverte et innovante, par conséquent nous avons envie d'inviter de nombreux auteurs pour les faire découvrir.

Et oui, il y a toujours un archipel à faire connaitre, un auteur qui publie une nouveauté. Et parfois il y a de nouvelles îles qui apparaissent dans l'océan comme des volcans, donc notre passion n'est pas près de s’éteindre !

Article rédigé par Camille L.

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