Journal de bord d'une passionnée de whisky en voyage à Islay - 3ème partie

28/07/2023

Amatrice de Whisky et conseillère de vente au Comptoir Irlandais de Morlaix, je me suis un jour dit : « et si je faisais le tour d’Islay ? ». Chose dite, chose faite.
Pour vous rendre sur l’île depuis la ville de Glasgow en Écosse, il y a plusieurs moyens : avec votre voiture, en avion ou bien en bus / ferry. J’ai opté pour le bus et le ferry : un moyen beaucoup plus sympathique pour découvrir le pays à travers les paysages, les lochs et le temps pluvieux emblématique de l’Écosse. Une fois sur Islay, je vous conseillerai d’avoir votre propre véhicule pour être plus libre mais si vous faites le tour des distilleries, les deux bus qui sillonnent l’île sont un moyen beaucoup plus prudent si vous participez aux dégustations. Vous avez également de nombreuses compagnies de taxi ; Andrew de Bruichladdich-Taxi sera ravi de vous en faire faire le tour. Il faut savoir que les habitants sont à la hauteur des paysages, ils sont extraordinaires.
En attendant de vous rendre sur ce lieu incroyable, aujourd’hui je vais vous faire voyager en vous parlant de 6 distilleries que j’ai eu la chance de visiter.

Ardbeg

Située sur la côte sud-est de l'île, cette distillerie est accessible en bus. À quelques kilomètres de la croix celte de Kildalton, Ardbeg est la dernière survivante des "Kildalton distilleries". La distillation chez Ardbeg a été légalisée en 1815. Mais cet emplacement était déjà connu depuis plusieurs décennies pour avoir abrité des distillateurs clandestins. Le premier alambic d'Arbeg date donc en réalité de 1794.
L’eau qu’ils utilisent provient du Loch Uigeadail, elle est à la fois pure, mais aussi déjà tourbée. Comme pour les autres distilleries situées sur la côte sud de l’île, les bâtiments et les chais sont soumis aux nombreuses tempêtes et à l’air bien iodé. Cela aura des conséquences sur le vieillissement de leur whisky. Accueillie à l’Écossaise dans leur bar-restaurant, j’ai commencé par une dégustation.

Ardbeg Wee Beastie

« Wee Beastie » qui signifie petite bête est un nom qui lui va comme un gant ; Il s’agit du whisky le plus jeune de la gamme Ardbeg mais c’est aussi l’un des plus tourbés. On y retrouve des arômes épicés tels que du poivre noir fumé. Vieilli en fût de Bourbon puis de Sherry Oloroso, l’ensemble se révèle, malgré son jeune âge, équilibré et harmonieux. En bouche, cet Ardbeg est explosif avec des notes de chocolat, de viande grillée et salée. Il est également idéal pour vos soirées mixologie.

Ardbeg Corryvreckan

Selon la légende, un prince nommé Breakan tomba amoureux de la fille du Lord of the Isles. Le père de la princesse accepta de consentir à leur union à la seule condition que Breakan puisse démontrer sa force et sa bravoure en ancrant son bateau au cœur du tourbillon Corryvreckan pendant trois jours et trois nuits. Le prince possédait trois cordes : la première en chanvre, la deuxième en laine, et la troisième tressée à partir des cheveux d’une pure demoiselle. On racontait que la pureté de ses cheveux rendrait la corde incassable. Néanmoins, les cordes lâchèrent une à une, nuit après nuit. Le bateau sombra au fond de la mer. Après que le seul survivant de l’équipage eut ramené le corps du prince sur le rivage, la demoiselle, rongée par le remords, avoua qu’elle n’était pas aussi pure qu’elle ne l’avait affirmé, c’est pourquoi la corde s’était brisée... Ce whisky nous entraîne au cœur de ce tourbillon. C’est un whisky puissant vieilli partiellement en fûts de chêne français neuf, il titre à 57.1° et développe des tourbillonnements d’arômes de tourbe tout en profondeur avec des notes poivrées et un très bon équilibre.

Ardbeg Traigh Bhan 19 ans Batch 3

Ce whisky commence par une rondeur et une douceur en bouche pour finir sur des notes intenses. Il rend ainsi hommage au nom qu’il porte et qui se trouve être une plage bien connue de l’île d’Islay ; une plage de sable fin mais sous laquelle se cachent des roches coupantes. Ce whisky a vieilli en fût de chêne américain puis en fût de sherry, ce qui apporte un côté crémeux ; des notes toffee, d’épices et de caramel.

Ardbeg Drum

Vieilli en fût de rhum, on y retrouve des arômes très épicés comme de la cannelle et de vanille mais surtout du fruit comme de la banane ou de la pomme. Avec son côté assez crémeux et gourmand, je le trouve parfait pour boire en mangeant un bon dessert. Pas de passage par les chais car c’est un secret bien gardé... Direction la salle de dégustation pour finir cette belle visite avec un whisky d’une grande complexité comme la distillerie sait le faire.

Ardbeg 25 ans

Il s’agit du whisky le plus vieux de la distillerie. Vieilli en fût de bourbon, ce single malt ne perd pas en tourbe. À la fois doux, rond et très tourbé, il regorge d’arômes de bois grillé et de caramel. Je ne peux pas repartir sans gouter le whisky contenu dans cette belle bouteille d’Ardbeg qui me fait de l’œil.

La visite

Ensuite, commence ma visite. Première étape : La salle de broyage de l’orge (préalablement maltée dans l’ancienne distillerie de Port Ellen). Ils utilisent une machine signée Robert Boby datant des années 30 et comme Emma, notre guide, aime le dire, c’est une machine éternelle, tellement solide et durable qu’elle est toujours là. C’est cette même entreprise qui fournit la plupart des distilleries de l’île. Pour les pièces ou les réparations, c’est un peu compliqué. Comme vous le savez déjà, c’est l’étape qui permet de faire le « grist ». Ardbeg choisi avec soin l’orge avec lequel il travaille. Pour l’avoir goûté, on y retrouve vraiment le côté fumé et tourbé. Il est cultivé à 5 miles de là.

Montons d’un étage et faisons connaissance avec les magnifiques mashs-tuns Ardbeg composés en pin de l’Oregon. Le mariage entre une eau délicieusement tourbée, chauffée à environ 63°C et une orge maltée fumée ; ce mélange a lieu à trois reprises. Le moût est ensuite prêt pour une fermentation de 66 heures, une fermentation assez longue qui permet à Ardbeg d’accéder à l’effet recherché. Une fois ce temps écoulé, le degré ne dépasse pas les 8,5% d’alcool, c’est comme une bière (« without hops »). Après un petit passage en tuyaux au-dessus de nos têtes, direction The Still Room.

La première distillation permet de créer un Low Wine à environ 24% d’alcool. Pour se débarrasser de la tête qui est impure, le maître distillateur va faire le changement après 10 minutes de distillation. La seconde distillation apportera jusqu’à un degré d’alcool de 76%. La forme de ce Pot Still Ardbeg donnera au spiritueux une certaine douceur et du fruit. Le col-de-cygne, quant à lui, permet de retrouver à la fois la grande complexité et le côté très tourbé iconique de chez Ardbeg. Tout en haut, se trouve une caractéristique propre aux alambics de la distillerie : « un rectifieur ». Cela permet de rejeter les éléments les plus lourds, qui repassent en distillation, pour ne conserver que les gouttelettes les plus fines.

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