Journal de bord d'une passionnée de whisky en voyage à Islay - 4ème partie

11/08/2023

Kilchoman

La toute jeune distillerie de Kilchoman n’est accessible qu’en voiture ou en taxi, il n’y a pas de bus. C’est une distillerie totalement indépendante dirigée par Anthony Wills, un grand homme qui se bat pour un whisky 100% Islay. Ancien corps de ferme, elle dispose de nombreux terrains aux alentours pour faire pousser son orge, pour ses chais, et aussi pour ses nombreux animaux, vaches et moutons. Ils utilisent encore la méthode du maltage traditionnel à même le sol dans leurs murs. Le processus peut durer 5 à 6 jours ; l’aération se fait soit à la main, soit avec une machine, moins fatigante à utiliser et moins de temps perdu. Petit instant dégustation avec le Kilchoman 100% Islay - 12ème Edition : c ’est un whisky de la gamme 100% Islay qui tient à cœur au directeur de la distillerie. Tourbé, fruité et épicé. C’est assez dingue de goûter ce whisky au milieu de la malterie.

L’orge est ensuite transférée dans le four où il sera chauffé à la tourbe avant de patienter presque deux semaines avant d’être broyé. Le grist, toujours composé de 70%, 20% et 10% des différents broyages, est mélangé à l’eau de source locale des lochs alentour. Le moût est ensuite séparé du draff qui sera donné à manger aux troupeaux, car rien ne se perd ici.

L’amidon, le sucre, les levures sont ajoutés, la fermentation commence. Elle se passe dans de grandes cuves en inox, plus faciles à laver et plus rentables économiquement parlant. Elle va durer 85h et va donner naissance à des notes céréalières, de beurre et de crème. La distillation est contrôlée par des maîtres distillateurs à l’aide de leurs ordinateurs de pointe pour s’assurer qu’il n’y a aucun problème côté température par exemple.

Ces petits alambics vont donner le caractère floral iconique de chez Kilchoman. Nous avons pu voir le wash still vide puis se remplir, voir le wash mousser comme une grosse meringue jusqu’à ce qu’il atteigne la lucarne. La température ensuite régulée donnera les premiers low wine.

Kilchoman

En attendant la suite de la distillation, petit tour dans les chais où Sir Wills et le maître de chai de Kilchoman nous ont fait découvrir de grands fûts : Sherry, chêne neuf, armagnac, vin... et tant d’autres. Comme Anthony Wills le dit : " le whisky, c’est une évolution constante d’innovation et de recherche de goût." Ils expérimentent dans leurs chais toutes sortes d’expériences de vieillissement dont certaines sont tenues secrètes. Nous avons eu la chance de goûter des sorties de fût, dont le 10 ans Fût de Bourbon, un brut de fût avec une tourbe bien présente. Je le trouve épicé, fruité et assez gourmand.

Retour ensuite à la Still Room, on nous donne la chance de gouter le low wine, un alcool à plus de 70° très léger et céréalier. Direction le second alambic. La seconde distillation se met en route. On part donc faire le tour de la ferme en voiture en compagnie des chiens de la famille Wills. Le dernier nouveau chai vient d’être fini, il est rempli par les tout premiers fûts, les premiers whiskies de 2023 sont prêts à patienter des années et des années... Des chais neufs, pratiques et biens pensés. On perd un peu en termes de "beauté" et de tradition, mais ça n’enlève en aucun cas le caractère exceptionnel de cet excellent whisky. Petit tour dans la ferme pour voir la grande moissonneuse entreposée durant l’hiver entre les vaches et les moutons.

Retour aux alambics. Ce tout nouveau jus va être totalement différent du low wine précédent. On va retrouver le profil céréalier mais un côté floral prend tout de suite au nez. 5 minutes plus tard, encore du changement, on retrouve les caractéristiques d’un futur whisky tourbé, floral, céréalier et très profond. La salle de dégustation nous offre un magnifique bar au milieu de la boutique souvenir.

Kilchoman Madeira : Un whisky vieilli 5 ans dans une quarantaine de fûts. On y trouve des fruits, des agrumes et du chocolat. La tourbe est sèche. C’est une édition limitée très gourmande.

N’hésitez pas à vous restaurer sur place, les cuisinières vous prépareront de délicieux sandwiches très "anglais". Nous n’avons malheureusement pas le temps de se rendre sur la fameuse plage de Machir Bay car nous devons sauter dans un taxi. Le whisky permanent de Kilchoman porte son nom. Prenez le temps d’y faire un tour, il s’agit de la plus belle plage de l’île selon ses habitants et si vous aimez le surf, les conditions sont idéales.

Kilchoman

Bruichladdich

Située de l’autre côté de la baie, en face de Bowmore et tout près de Port Charlotte, la distillerie Bruichladdich est connue pour 3 gammes de whisky et son gin. La gamme principale porte le même nom que la distillerie, il en sortira des notes iodées et fruitées.

Puis nous avons le Port Charlotte, cette gamme tourbée porte le nom de la distillerie de la ville d’à côté ayant fermé en 1929 à cause de la prohibition. Octomore vient ensuite, née d’une expérimentation de la distillerie. Ils souhaitaient réaliser le whisky le plus tourbé du monde. Ce whisky porte le nom d’une ancienne ferme familiale.

Enfin, le Botanist, célèbre gin réalisé à base des plantes cueillies à la main et que l’on trouve tout autour de l’île. Il est distillé dans un alambic unique entre colonnes et pot-still, cet hybride a été nommé « Ugly Betty »; il est très reconnu dans le monde du spiritueux.

La distillerie Bruichladdich met tout en œuvre pour être en accord avec sa philosophie : de l’innovation tout en restant ancré dans la grande tradition, sans oublier un engagement constant sur l’impact environnemental, mais aussi et surtout une mise en avant du côté humain que l’on perd parfois... Les employés, les fournisseurs, les visiteurs, les associés, les habitants de l’île... tout le monde vous le dira, ils sont une grande distillerie tout en étant éthique.

Aujourd’hui, c’est Frazer qui nous accueille au ‘Laddie Shop’, il sera notre guide tout au long de la visite et de la dégustation. Dans un premier temps, nous passons par les grandes cuves où est entreposée l’orge, les plus grandes de l’île. Chacune d’entre elles contient une orge particulière et tout est correctement répertorié. Bruichladdich est une entreprise qui met en avant le côté éco-responsable et qui joue la transparence à travers de bons produits de qualité.

Notre guide nous permet de goûter les différents grains, effectivement ils sont bien différents. Leur orge est choisie avec soin car la façon dont ils font leur whisky va faire ressortir la saveur et la complexité de celui-ci. Ce côté "terroir" comme on l’appelle est de plus en plus rare dans le monde du spiritueux où l’on y recherche le plus souvent de la constance.

Ensuite, l’orge est acheminée vers la broyeuse. Rustique, cette machine est incroyable de par son apparence, en plus d’être très efficace. Bois, métal des années 30 et fonctionnement à poulie, on ne pense pas une seconde en la voyant qu’elle est utilisée chaque jour, par contre on peut l’entendre, et de loin... Après le broyage, le grist passe à travers un gros tamis qui séparera les trois différentes tailles pour s’assurer d’en avoir les bonnes quantités, c’est-à-dire 70 / 10 / 20 comme toujours.

Bruichladdich

Le brassage dure 7 heures chez Bruichladdich, dans une eau en provenance de la source d’à côté : l’Octomore. Elle est chauffée à 93°. Cette machine est assez impressionnante quand elle est mise en route et chose assez rare, la cuve n’est pas couverte, c’est une très bonne expérience. Mauvaise nouvelle pour les personnes qui portent des lunettes mais c’est un délice pour notre nez...

La fermentation a lieu dans d’énormes washbacks traditionnels dont chaque planche qui le compose est issue d’un bois provenant de très grands pins américains connus pour ne pas avoir de nœuds, noix ou autres défauts. Chacun de ces washbacks a une durée de vie très longue, heureusement car pour les remplacer il faut ouvrir le toit. Ce fut le cas en 2020, où la distillerie a profité de la pandémie pour remplacer celui de 1881 ! Cette fermentation fait partie des plus longues dans le monde du whisky, elle peut durer jusqu’à 100h. La bière de malt qui en résulte est à environ 8°, on y retrouve vraiment les arômes de l’orge goutée précédemment. Mais soyons honnêtes, ce n’est pas très bon, en comparaison, c’est comme goûter la pâte à crêpe avant la cuisson.

The Still House est composée de 5 alambics: un pour le gin donc et les 4 autres pour leur whisky. De nos jours, la plupart des distilleries utilisent des ordinateurs pour mesurer les paramètres et ainsi savoir quand baisser la température ou quand balancer le liquide. Chez Bruichladdich, c’est encore fait de façon manuelle. Le maître distillateur doit toujours avoir un œil sur ses alambics et ses vannes.

Quelques whiskies dégustés :

Chez Bruichladdich, les employés sont à l’honneur ! Chacun a droit à sa propre cuvée. Cette fois, c’est au tour de Gregory Joannes, directeur financier (français) de chez Bruichladdich avec le Cask 909 - 63 Gregory Joannes 10 ans : 319 bouteilles seulement sont disponibles, uniquement à la distillerie. On est ici sur un fût de chêne de second remplissage. On y retrouve une influence de Bourbon et un côté très malté.

Octomore 13.2 :  Tourbé à 137.3 ppm et vieilli dans des fûts de Sherry Oloroso. On peut trouver des notes d’agrumes et d’épices avec une consistance pâtissière. Un whisky étonnamment doux et onctueux.

Tout en dégustant, nous nous rendons compte que Frazer et moi nous étions déjà vus à Paris en septembre 2022 lors de l’événement annuel du Whisky Live. Alors avant qu’on ne reparte, nous nous disons à bientôt pour la prochaine édition à Paris !

Bruichladdich

Article rédigé par Philomène B.

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